mercredi 22 août 2007

Une Europe en crise ?


Depuis le 29 mai 2005, depuis que le référendum sur la traité établissant une constitution pour l’Europe a été rejeté par les français à 55%, l’Europe traverse une paralysie. Et cette paralysie lui coûte en ce moment très cher : perte de confiance en l’idéal européen, banalisation des nationalismes, confusion entre les pouvoirs européens et nationaux. Le nouveau président de la République Nicolas Sarkozy prétend pouvoir faire redémarrer l’Europe par la négociation d’un “mini-traité”. Le terme lui-même témoigne de cette vision d’une “mini-Europe” avec des “mini-institutions” pour panser les faiblesses de certains États. Plus généralement, la perte de l’idéal européen officialisé par cet accord n’est pas seulement lié au 29 mai 2005, en réalité c’est toute la perception de la modernité qui est remise en cause car l’idée de l’Europe a été trop souvent associé à la mondialisation, à l’ultra-libéralisme. Les peuples européens et plus particulièrement les français ont commencé à voir l’Europe comme une contrainte, comme une évolution qui s’imposait.
En répondant non, les français ont voulu marquer une certaine résistance à cette fatalité, c’est le refus de la confiscation du choix de société, la dimension marchande du projet ne correspondait pas aux attentes et aux aspirations de l’électorat. Vu la dimension du projet européen, c’est le par le peuple que devra renaître un texte, l’idée d’une négociation hermétique n’a donc aucune légitimité et c’est pourquoi le mini-traité encensé par les médias ne contribue ni à l’évolution de l’Europe, ni au règlement des problèmes auxquels l’Europe fait face. Le mini.-traité institue le vote selon le poids et l’importance démographique du pays.

Or la vocation européenne n’est pas de compter quand on est gros et de ne pas compter quand on est petit. C’est un système doublement incohérent : d’abord ce type de suffrage va à l’encontre d’un principe fondamental du fédéralisme : l’égalité de vote entre les entités fédérées tempérée. Ce n’est pas le poids démographique d’un État qui légitime l’inégalité de vote. Si un État est plus peuplé, il bénéficie d’un avantage dans une chambre basse représentant proportionnellement le peuple de l’Union mais dans la chambre Haute représentant les États, chaque entité est égale en voix pour garantir une certaine souveraineté (principe du bicaméralisme). Dans un deuxième temps, le vote démographique institutionnaliserait au coeur de l’Europe ce que l’on combat dans le monde : l’inégalité entre les États. Comment pourrions-nous raisonnablement combattre la logique de puissances conquérantes si l’on n’est pas capable nous-même de raisonner en terme d’égalité entre État. Il faut refuser cette idée d’une Europe qui se fait dans la confrontation, ce n’est pas le nombre qui fait la différence car on voit que le Luxembourg en fait plus pour l’Europe en 10 ans que l’Allemagne et la France réunies en 12 ans !

Le fait de reprendre un texte rejeté et de le bricoler en le faisant passer sous le nez du peuple qui l’a rejeté n’est pas seulement insensé, cela participe également au rejet d’une Europe qui finalement échappe aux citoyens, se fait sans eux. On finit parfois par se demander si ce rejet n’est pas quelque part nourri par une certaine classe politique déjà hostile à la construction européenne. Il faut par ailleurs rappeler que Nicolas Sarkozy est issue d’une famille politique qui se prétend à la fois gaulliste et libérale. À partir de là on imagine difficilement comment le nouveau gouvernement pourrait participer activement à l’idéal européen tout en défendant la souveraineté inconditionnelle de la France.

La France n’ayant au final presque jamais connu de politique européenne active, l’opinion publique semble persuadée que la question européenne n’a aucune influence sur la vie quotidienne des citoyens. On voit donc se banaliser l’idée que l’État Nation peut répondre à toutes les attentes sans aucune aide extérieure. Il faut dire que de l’emploi à la croissance, de l’énergie à l’environnement en passant par l’international, nos pays européen sont dans une profonde léthargie et chacun s'est habitué aux faiblesses des politiques nationales.

mercredi 1 août 2007

Bras de fer entre Varsovie et Bruxelles


Aujourd’hui 1er août 2007 doit reprendre la construction d’un tronçon d’autoroute très controversé : la Pologne prévoit de relier par une autoroute son territoire aux États baltes. Le contentieux se situe sur un tronçon de 40 km passant dans la vallée de Rospuda pour contourner la ville d’Augustow. Mais cette vallée abrite une faune d’une rare diversité en Europe, la construction du tronçon modifierait et bouleverserait totalement l’équilibre naturel du site. Bruxelles avait déjà obligé la GDDKIA (direction nationale des routes en Pologne) à stopper les travaux pendant la période de nidification des oiseaux. Les travaux ont donc été repoussés jusqu’à aujourd’hui où Varsovie est bien décidée à reprendre la construction. Stavros Dimas, commissaire à l’environnement commente : “Il est regrettable que la Pologne ait décidé de poursuivre la construction de cette nouvelle route à travers la vallée de Rospuda. J'espère que la Pologne reconsidérera sa décision avant que des dommages irréparables ne soient causés
De leur côté, les autorités polonaises estiment respecter le droit communautaire par des mesures compensatoires telles que la plantation d’arbres et l’entretien des prairies humides.

Au delà de l’aspect anecdotique du différend, ce sont deux problèmes de la construction européenne qui sont ici pointés. Tout d’abord, la notion d’écologie chère à l’Europe occidentale depuis quelques années ne jouit pas de la même popularité en Europe de l’est. La tradition soviétique il n’y a guère plus de 20 ans avait pour ambition de transformer la nature, de remodeler physiquement le monde là où l’Europe de l’ouest voulait protéger, conserver, entretenir. Il y a donc deux visions différentes, l’une afférente à la tradition du compromis et l’autre à celle du chamboulement. Que ce soit ici avec l’écologie ou sur d’autres sujets, ces deux visions occupent une grande partie des débats européens et il faudra adapter les institutions de manière à minimiser les désaccords possibles sans toutefois étouffer les compétences décisionnelles des États. Par exemple, le choix de la majorité qualifiée dans le mini-traité participera à maximiser ces désaccord puisque le poids électoral d’un député n’étant pas le même pour tous, certains députés de l’est ou de l’ouest jouiront d’une surreprésentation. Le débat sera donc centré exclusivement sur les clivages entre les conflits d’intérêt de quelques députés. Pour recouvrer l’équilibre, il eut fallu que les régions les plus peuplées disposent d’avantage de députés que les régions moins peuplées, ainsi le débat respecterait les réalités démographiques et ne se concentrerait pas les différences de vision entre quelques personnalités.

Un autre problème est cerné par l’actualité : l’ubiquité de Bruxelles dans les décisions nationales. C’est paradoxalement dans une confédération que l’autorité supérieure va vouloir le plus souvent se mêler des affaires nationales et ce pour faire valoir son existence malgré sa faiblesse. Ainsi les pêcheurs européens de la Méditerranée subissent d’importantes restrictions dans leurs quotas de pêche par Bruxelles qui, dans le même temps, n’a pas suffisamment d’autorité pour réglementer l’activité des pêcheurs japonais, algériens, tunisiens ou égyptiens dans les mêmes zones. Rattrapés par ses incohérences, la logique confédérale devra évoluer et répartir ses compétences décisionnelles pour ne pas commettre d’autres erreurs dans sa politique.